SEPAND DANESH

Né en 1984 à Téhéran, Iran
Vit et travaille à Paris, France

Pour ressentir l'impact sensoriel des peintures de Sepand Danesh, il faut pouvoir naviguer dans les différents niveaux de lecture qui les composent. Au seuil du premier niveau, nous reconnaissons un personnage. Dans beaucoup de ses tableaux, cette figure est si célèbre qu'une impression d'évidence et d'étrange familiarité s'installe dès le premier contact. Dans d'autres cas, la célébrité du personnage relève moins de la sphère médiatique des temps modernes que de la renommée intemporelle qui enveloppe la pensée des grands philosophes, peintres, écrivains et hommes de lettres chers au répertoire de l'artiste, qu'il partage avec une foule anonyme : les gens de culture.

 

Une fois ce premier pas franchi, on se rend compte que l'on est invité à participer à une opération sémiotique bien plus subtile que la simple reconnaissance. Pour avancer dans l'énigme, il faut se résoudre à mobiliser nos capacités sensibles, mentales, psychiques et interprétatives. Nos émotions, en somme. Car l'enjeu est de taille. Il s'agit de faire coïncider le signe et le sens. En linguistique, comme en didactique, le sens se mesure en unités et se conçoit comme un phénomène contextuel.

 

Dans ses peintures, Sepand Danesh a choisi le cube (un carré placé dans l'espace) pour exprimer la plus petite unité de sens de sa grammaire visuelle. Ce n'est qu'une fois franchi le seuil du premier niveau de la structure mimétique (avatar autant que prototype indiciel) que l'on se trouve face à ce qui sommeille sous la figure. Là où nous pensions reconnaître un personnage dans une combinaison de cubes que nous avions pu décoder, nous nous retrouvons immobilisés au deuxième niveau : celui du signe hors contexte. Autrement dit, un signifiant sans signification. Car le personnage en question est toujours maintenu dans un état de latence, figé dans un mouvement contradictoire de montée et de descente, poussé dans la bouche d'un angle qui l'enferme avec nous dans un face-à-face apparemment sans issue. Sauf que l'apparente incontextualité des tableaux de l'artiste cache à son tour une trappe vers un troisième niveau : celui de notre expérience subjective. Incapables de déchiffrer le sens d'un portrait dépourvu de contexte, nous sommes contraints de nous tourner vers notre propre intériorité pour établir des relations de sens, non plus entre objet (cube) et sujet (personnage), mais entre sujets (nous et la matrice), auxquels nous accepterons d'associer nos contenus mentaux afin de les subjectiver, et donc de les vivre comme une expérience incarnée.
 
Les portraits de Sepand Danesh sont donc des formes stables, indépendantes du contexte figuratif dans lequel elles s'inscrivent, mais inversement subordonnées à notre interprétation figurative. Par rapport à un état de réalité perçu ou représenté, l'expérience sensible qui en découle est celle de l'universalisme, évoquant davantage la consonance de nos contenus mentaux subjectifs que la dissonance de nos appartenances objectives.