IDENTITÉS RECONTRUITES
EVANS MBUGUA
28 MAR > 10 MAI. 2025
Evans Mbugua construit ses portraits, nés de rencontres fortuites et mémorables, dans des vitraux synthétiques, arrosés par un pointillisme crépitant qui libère la lumière et les couleurs, mais qui imprime aussi dans les œuvres la complexité et l’intermittence des relations humaines.
Le point isolé évoque l’individu socialement désintégré, désolidarisé à la fois de l’autre et de son environnement, quand les points rassemblés forment une trame riche de ses contrastes, de sa diversité. Ces portraits ne sont donc pas le reflet d’une seule identité, mais celui d’une hybridation d’identités qui composent l’individu et la société qui le traverse.
Ces figures sont habillées de motifs, des pictogrammes porteurs d’un sens universel, qui rassemblent au-delà des barrières linguistiques, comme cet œil ouvert, symbole d’un éveil, d’une clairvoyance collective. Le motif est répété dans un voilage de sculptures en bronze suspendues à des chaînes de perles, des billes colorées agissant ici comme un équivalent plastique du point, et dont l’enfilage signifie là encore la solidarité des individus.
Dans une première vie, ces portraits ont déjà été exposés au public, mais n’ont existé que dans la limite d’un cadre privatif à dépasser, à abolir. Dans un acte d’une certaine violence, visant à dénoncer les forces capitalistes, colonialistes, fascistes, et en définitive bellicistes, qui tendent à nous assigner une identité et à briser les solidarités, Evans détruit ses propres œuvres, en taillant dans la matière, les découpant en morceaux, pour mieux les reconstruire, au moyen d’agrafes, des sutures réparatrices qui constituent autant de liens restaurés.
Enfin, l’artiste recycle et assemble les chutes de ces « découpes », au sens matissien, pour en créer de nouvelles formes de vie, animales, végétales et pictographiques. Des débris de cette destruction, renaît un écosystème régénéré porteur d’un espoir prêt à s’éveiller.
— Aurélien Simon